Rencontre avec Ludovic Ardoise, écrivain et amoureux de l’Écosse

Insolite

Interview avec Ludovic Ardoise sur son livre “Frissons en Écosse” et son amour de l’Écosse.

Nous rencontrons aujourd’hui Ludovic Ardoise, écrivain et passioné de l’Écosse. Nous vous retrouvons aujourd’hui pour une belle collaboration entre les Éditions Ocrée et Alainn Tours. Après avoir écrit une pièce de théâtre en 2011, « Un fils à ne pas marier », Ludovic s’est penché sur la littérature… Et pas n’importe laquelle !

Passionné de châteaux hantés et de sites historiques en Écosse, il a décidé d’écrire un livre sur cette thématique « Frissons en Écosse ».

Interview avec Ludovic Ardoise

Le livre relate plus de 160 châteaux hantés en Écosse. Pouvez-vous nous dire comment en êtes-vous arrivé à l’écriture de ce livre et quel a été votre parcours ?

Bien-sûr. En 1982, j’étais étudiant en fac d’anglais à Lille et je me suis intéressé aux pays anglophones. Par conséquent, j’ai rempli un dossier pour devenir lecteur au Royaume-Uni. L’Éducation Nationale m’a envoyé un courrier en me disant que j’étais accepté en Écosse et je suis devenu lecteur deux ans de suite à Edimbourg au Lycée George Watson.

C’est un lycée magnifique qui avait de gros moyens. Ils en ont tellement qu’ils m’ont expliqué que pour les vacances scolaires, je pouvais visiter l’Écosse et qu’ils me finançaient l’hôtel, le voyage, tout en faisant un rapport en français de ce que j’avais vu et visité, devant les élèves. J’ai accepté bien-sûr (rires).

J’ai pris beaucoup de notes, j’ai rencontré des gens fabuleux et j’ai dormi dans certains châteaux hôtels. Il y a une grande histoire également entre l’Angleterre, la France et l’Écosse. Finalement, c’est en allant à la Grande Bibliothèque d’Edimbourg que j’ai rencontré un monsieur qui y travaillait et qui m’a dit « Vous savez, il existe beaucoup de livres en anglais sur les châteaux hantés, mais aucun en français. Si un jour, vous rencontrez quelqu’un qui pense pouvoir le faire… ». Je me suis dis alors : « Pourquoi ne pas en faire un livre ? ».

 

Kessock Bridge en Ecosse

 

« Allons-y, on se lance dans la bataille »

J’en ai parlé à un ami qui m’a dit « Allons-y, on se lance dans la bataille ». L’ami en question, qui m’a accompagné durant les visites de châteaux, n’a pas voulu le faire, il m’a laissé la partie écriture. Pendant 20 ans, je suis retourné plusieurs fois en Écosse et j’ai pris beaucoup de notes.

Une thématique originale

Alors dans les ouvrages oui, mais quand vous en parlez autour de vous, les gens sont fascinés et veulent entendre l’histoire.

Frissons en Ecosse, de Ludovic Ardoise

Vous avez visité les châteaux écossais pour la première fois en 1992. Mais ce n’est que 28 ans plus tard, en 2018, que vous avez publié “Frissons en Écosse”. Pourquoi tant d’années après ?

Je vais vous avouer, l’éditeur m’a dit « J’ai entendu dire qu’un livre avait été rédigé en français sur les châteaux hantés ». C’était en réalité un premier jet que j’avais réalisé avec une société de diffusion d’édition qui n’était pas très connue. J’en ai vendu 500 exemplaires, donc c’était vraiment intéressant pour un premier jet. Ce monsieur m’a recontacté il y a deux ans, et voulait en refaire une édition. Je l’ai prévenu que je referai quelques voyages dans des châteaux hôtels, pour compléter la deuxième édition.

 

Vous mentionnez avoir rencontré des personnes qui croient aux légendes. Est-ce que ça fait longtemps que vous êtes captivé par le paranormal ? 

Captivé par le paranormal dans les années 80, pas vraiment. A l’époque, je pensais que c’était surtout des propriétaires de châteaux qui souhaitaient attirer les touristes.

En plus, j’ai rencontré des gens près du Loch Ness qui m’ont raconté l’histoire de Nessie. Et je n’y croyais pas. En effet, quelques années après, nous avons appris que c’était une histoire racontée par deux frères.

Avez-vous vu un fantôme ?

Je supposais que pour les châteaux, c’était la même chose. Les propriétaires avaient certainement des magnétophones cachés dans les châteaux, qu’ils installaient dans les murs, sauf que nous avons ressenti et vu certaines choses. On pensait que c’était notre imagination

Nous avons fait la connaissance du Ghost Club à Londres, une association de paranormal qui faisait des petits reportages. Nous avons sympathisé et joint nos notes qui coïncidaient. Avec des appareils, ils ont testé certains châteaux où ils ont remarqué qu’il y avait des différences de températures, des manifestations à certains moments, pratiquement à la même heure, lorsque les propriétaires étaient absents. Nous nous sommes alors posé la question : « C’est bizarre, pourquoi nous ? ».

Quelle a été votre première réaction en rentrant dans un château hanté en Écosse ? En avez-vous déjà visité quelques-uns avant ?

Je peux vous dire que l’on a visité 450 châteaux. Sur les 450, il y en a 140-150 qui ont une véritable histoire de fantômes. Pour le reste, on voit que les propriétaires font des bruits dans les murs, grattent sur les portes exprès. Si ce n’est pas eux, ce sont les guides ou les domestiques. En revanche, nous avons uniquement indiqué dans le livre les châteaux qui nous semblaient véritables.

 

Eilean Donan Castle

Quand on lit votre ouvrage, c’est vrai que l’on se sent véritablement transporté dans ces châteaux hantés. Est-ce que vous pouvez nous raconter le souvenir le plus marquant où le château qui vous a le plus troublé ? 

Oui bien-sûr ! Je peux vous en raconter deux. Le premier dans les années 86-87, nous étions au château de Dalhousie, un sublime château, les chambres sont magnifiques.

Nous y allions pour la fauconnerie. Et on nous a raconté l’histoire de la Dame Lady Katrine qui hantait les lieux. Elle était sur un poster dans un couloir et mon ami et moi nous sommes dit que c’était une belle femme, que nous allions la prendre en photo. A l’époque, c’était des argentiques, pas des numériques. On devait donc faire attention, car les pellicules coûtaient cher.

Je commence à préparer mon appareil et le guide me dit « Non, surtout ne la prenez pas en photo, elle a horreur de ça ! ». Nous pensions à une blague évidemment. Je range donc mon appareil et je demande à mon ami d’attirer le guide plus loin. J’ai pris la photo et j’ai soudainement senti un souffle sur ma nuque. Je me suis retourné et j’ai vu une ombre longer le mur du couloir. Elle a été ma première expérience dans tous ces châteaux.

 

 

Et l’histoire la plus récente ?

La toute dernière histoire est récente. L’an dernier, je suis allé en Écosse une dernière fois pour terminer le second livre. J’ai visité Floors Castle, il est magnifique. Son architecture est fabuleuse et les pièces sont grandioses.

J’emmène mon épouse et ma fille de 15 ans. Je ne dis rien, je ne raconte pas l’histoire. Arrivés sur place, le château est fermé. C’était au printemps. Nous regardons les jardins et je dis à mon épouse que les fleurs sont très belles. Elle cherchait alors les toilettes, je lui indique l’extérieur du château. C’est alors que j’entends un petit cri et nous voyons une ombre longer le mur des toilettes. 

Elle sort et nous dit « Mais arrêtez, pourquoi vous avez bloqué la porte ? ». Je lui répondis alors « Nous sommes restés là. », elle me dit « Ce n’est pas possible ! ». Je lui rétorque: « Tu sais ce que tu as fait en allant aux toilettes ? Tu as touché les fleurs de ce jardin, or le fantôme c’est le jardinier ! ». Le jardinier ne voulait pas qu’on touche à ses fleurs.

 

Logan Botanic Garden en Ecosse

Est-ce difficile de retranscrire le témoignage de personnes marquées par des phénomènes paranormaux ?

Au départ, nous aimions discuter avec les propriétaires des châteaux. Nous avions peur que ce soit une invention de leur part, donc on a interrogé les locaux des villages, dans les pubs avec des gens qui avaient l’air censés, avant 23 h (rires). Effectivement, c’est incroyable, car on a entendu beaucoup d’anecdotes, cela enrichissait le livre et les histoires.

Est-ce que les gens étaient émus, effrayés lorsqu’ils racontaient l’histoire ou c’était plus sous forme d’anecdote ?

La plupart du temps, ils le prenaient avec le sourire. Si vous y allez et que vous êtes gentils, le fantôme ne vous fera rien. En revanche, dans certains châteaux, on nous déconseillait d’y aller, car il arrive souvent quelque chose.

Un jour, mon ami qui m’accompagnait a dit au propriétaire d’un château-hôtel qu’il voulait dormir dans la chambre hantée. Le propriétaire a refusé, car il arrive toujours quelque chose dans la chambre. Or, mon ami a dit « Je veux y aller, je paierai le double si besoin, je veux y dormir. ». Donc ils lui ont fait signer une décharge et nous sommes restés deux nuits dans ce château. Je n’ai pas dormi dans cette chambre car il s’agissait d’un lit simple. La première nuit rien ne se passe, mon ami descend au petit déjeuner, et tout se passe bien. Nous pensions que c’était encore un propriétaire qui racontait des histoires.

La deuxième nuit se passe, je vais prendre mon petit déjeuner, le serveur nous demande où est notre ami et dans quelle chambre il se trouve. Il me demande si je suis certain qu’il a dormi là car il a pris des risques certains. Je termine mon petit déjeuner et il n’est toujours pas là. Je demande au serveur d’aller le réveiller, mais il souhaite que je l’accompagne. La porte est bien évidemment fermée à clé. Le serveur l’ouvre avec le pass, et c’est alors que je vois mon ami à quatre pattes, avec un peu de sang sur la tempe gauche. Le tableau au-dessus du lit s’était décroché et lui était tombé dessus à 5-6 h du matin d’après ses souvenirs. Il avait vérifié la corde qui n’était pas usée. C’était aussi arrivé à un touriste allemand quelques mois avant…

Avez-vous toujours voulu être écrivain ?

Pas du tout ! Je suis linguiste, je parle anglais et espagnol, j’ai voulu me lancer dans le tourisme. J’ai passé le concours de l’enseignement le CAPES et je l’ai réussi. Je suis devenu prof d’anglais, et comme j’adore le voyage, j’en ai profité pour demander des mutations un peu partout. J’ai travaillé à Denver dans le Colorado, 4 ans à Tahiti, en Martinique, etc…

Vous avez l’air d’avoir fait le tour du monde !

Oui, j’ai voyagé dans beaucoup de pays, c’était le but. L’écriture était simplement une passion. J’ai toujours écrit depuis tout petit. Je me suis mis à écrire des petites histoires que je racontais aux enfants de la famille, comme des contes de fée, les contes de Perrault. Beaucoup de fantômes déjà ! Je ne savais pas que plus tard, j’allais en faire un livre !

S’il n’y avait qu’un seul château hanté à visiter en Écosse, lequel serait-il ?

Le château d’Edimbourg est très bien. C’est l’un des plus hantés d’Écosse. J’ai bien aimé Glamis qui est très connu, avec beaucoup d’histoires de fantômes. Il y a le très beau château de Stirling aussi, mais on ne m’a raconté aucune histoire. C’est surtout historique Stirling, par rapport aux batailles entre les anglais et les écossais.

J’apprécie particulièrement les châteaux sur l’île de Skye, car il y a une ambiance particulière.

 

Dunvegan Castle en Ecosse

Vous mentionnez le château d’Edimbourg, est-ce que vous avez pu visiter Mary King’s Close, les ruelles souterraines hantées ?

Oui on est y allés avec mon ami, c’était intéressant. Les guides sont assez doués pour nous mettre dans l’ambiance.

Est-ce que le lieu est hanté ?

Hanté paraît-il, mais ce n’est pas un château donc je n’en parle pas. C’est vrai qu’il y a eu tellement de meurtres à cet endroit, qu’un fantôme pourquoi pas… Mais à mon avis, c’est surtout touristique.

 

Catacombes d'Edimbourg

 

Est-ce que vous avez déjà visité d’autres lieux historiques ou des pubs hantés en Écosse ? 

Oui, bien-sûr, il y a des abbayes et des maisons hantées. Mais bon, il faudrait écrire un tome 2 (rires) !

Les moines hanteraient-ils les abbayes ?

Non, ce sont surtout les maîtresses, car certains moines en avaient. On les assassinait pour ne pas que ça se sache. Maintenant, elles hantent l’abbaye en question. Je sais qu’une dame a été assassinée par les moines alors qu’elle était enceinte. A chaque fois qu’une femme enceinte rentre dans l’abbaye en question, elle ressent un malaise.

Est-ce que les fantômes n’apparaissent qu’à certains moments de la journée ou principalement la nuit ?

Alors, ce n’est pas tout le temps la nuit. Beaucoup de gens me demandent et imaginent que les phénomènes se produisent la nuit alors que c’est leur imagination qui leur joue des tours. Lorsque j’avais vu l’ombre de la dame en bleu, c’était en plein jour. La nuit, on peut entendre un bruit, un pleur, des gémissements. Ce n’est pas forcément à la Toussaint. Par exemple Rosslyn Castle, cela se passe surtout en milieu d’après-midi.

A quel public souhaitez-vous vous adresser lorsque vous avez écrit “Frissons en Écosse” ?

Je me suis dis que comme ce n’est pas un roman, ça ne pourra pas toucher tout le monde. Le livre touche un certain public et ne plaît pas à tout le monde. Chacun ses goûts, je peux comprendre.

Si vous deviez décrire l’Écosse en un seul mot, lequel ce serait ?

Majestueux ! C’est surtout pour décrire cette ambiance particulière, ces paysages. Si vous êtes amoureux de la nature, allez en Écosse, même si vous ne croyez pas aux fantômes, ce n’est pas grave, allez-y, les gens sont tellement fabuleux. Si vous aimez le whisky, n’hésitez pas à faire la Route du Whisky, il y a tellement de choses magnifiques.

C’est la convivialité des gens que j’aime beaucoup aussi. Il y a une richesse culturelle et artistique en Écosse.

 

Route des Whisky en Ecosse

 

Est-ce qu’il y a une région en Écosse plus emprise aux phénomènes paranormaux ?

Oui, il y en a un peu partout ! Peut-être au sud d’Edimbourg, il y a une bonne quinzaine de châteaux hantés.

Pourquoi cette région en particulier ?

Tout simplement car il y a les ports et la mer. Il y avait beaucoup d’étrangers qui venaient, comme les Français. Cela n’a pas plu. Par exemple, lorsque le propriétaire du château avait une maîtresse Française, il y avait toujours quelque chose. Une région avec beaucoup d’histoires, par exemple, les Anglais qui sont venus et se sont fait assassiner. C’est proche de la frontière.

Selon vous, on peut associer des moments clés de l’histoire à des faits paranormaux ?

Alors, il est évident que nous avons beaucoup d’histoires qui datent du XVIIème et WVIIIème siècle. Nous avons rencontré une dame à Glasgow en 2016 qui m’a dit « Si nous n’avons pas beaucoup d’histoires actuelles, c’est que les gens n’osent pas dire ce qu’ils ont vu. » Les meurtres, il y en a de moins en moins et ce n’est plus la même chose qu’avec les preux chevaliers, barons et duchesses.

On sent bien que l’Écosse et vous c’est une belle histoire d’amour !

Oh oui, j’adore l’Écosse ! A chaque fois que quelqu’un me demande où aller en vacances, je réponds toujours : allez en Écosse ! Les Écossais aiment les Français.

Storr sur Skye

 

Avez-vous prévu d’y retourner prochainement ?

Peut-être à Pâques l’an prochain, dès que j’ai un grand week-end, je prends l’avion. Nice-Edimbourg ou Nice-Glasgow, c’est très rapide. Je suis souvent accompagné de personnes de ma famille.

 

Un grand weekend à Glasgow

Est-ce qu’à l’avenir vous avez d’autres projets de littérature en préparation ?

J’essaie de voir si on peut faire jouer ma pièce de théâtre par des semi-professionnels, ou l’envoyer dans les écoles de théâtre. Voir son écrit passer sur scène, c’est magnifique ! Cette fois-ci, mon éditeur m’a demandé d’écrire un roman. J’ai commencé à écrire, j’en suis à la moitié. On va essayer de le terminer pour la fin de l’année. Il n’y a pas de fantômes, c’est totalement différent (rires).

Quels conseils pourriez-vous donner à quelqu’un qui souhaite se lancer dans l’écriture ?

Cela dépend, si c’est un roman, prendre son temps. Si c’est une autobiographie, il faut se lâcher, il ne faut pas hésiter.

Allez, je vous en raconte une dernière. On est allés dans un château au nord d’Edimbourg, où il y a des années, une nourrice a laissé tomber l’enfant qu’elle avait dans les bras. Il a trouvé la mort en tombant par la fenêtre. Avec mon ami, nous avons décidé de visiter le château et d’y dormir. La pièce en question a été vidée, le Ghost Club a vérifié s’il y avait quoi que ce soit (des magnétophones ou autres objets). Il n’y avait rien. Nous avons dormi dans la chambre à côté. Nous avons entendu des pleurs, il était à peu près 23 h – 23 h 15. Nous nous sommes levés, nous avons regardé dans la pièce à côté et il n’y avait personne. Nous ne connaissions pas l’histoire, excepté qu’il y avait eu un meurtre dans la cuisine.

Le lendemain nous avons expliqué ce qu’on avait entendu, le serveur nous a alors dit : « Ah, vous avez entendu le bébé, oui cela fait deux-trois nuits qu’on l’entend… ». Nous demandons : « Mais il est à qui ce bébé, il y a d’autres touristes ? ». Il n’y avait que nous et deux étudiants. Elle nous rétorque que c’est l’enfant qui est mort car il est tombé de la fenêtre. Dans la cuisine a été tuée la nourrice, car elle avait fait une faute. Elle hante la cuisine uniquement. Le propriétaire actuel ne croyait pas à cette histoire. Comme il refaisait la cuisine, il a enlevé les premiers carreaux près de la cheminée et a retrouvé un squelette. On pense que c’est le corps de la nourrice qui hante la cuisine.

Pour conclure, comme dirait la Marquise du Deffan, « Je ne crois pas aux fantômes, mais j’en ai peur».